Un Intermède Dans Une Vie

Chapitre 1 : Une soirée comme les autres ? :

La jeune fille poussa un lourd soupir. Ses coudes heurtèrent violemment son bureau en bois d’ébène. Une faible lumière éclairait son visage pâle. De petites cernes noirâtres accentuaient son regard fatigué et dans ses yeux noisette se reflétait l’éclat de sa lampe de bureau. Voilà plus de trois heures qu’elle travaillait sans relâche : elle s’investissait de toute son âme dans ses études et ce soir-là, elle n’en pouvait plus. Elle venait de terminer une équation chimique des plus difficile à équilibrer. L’étudiante resta une minute ou deux immobile, le regard dans les vagues. Il était vingt heures et le jour n’avait pas encore totalement disparu. En ce mois de mai, le temps était plutôt doux. Des adolescents passaient dans la rue et discutaient bruyamment. Un rire émana de la bouche d’une fille.

« Je me demande si d’autres personnes travaillent autant que moi ! J’ai l’impression d’être la seule à autant m’investir dans mes études. Quand je dis combien de temps je passe à étudier le soir, on me traite de folle. Je vais bientôt commencer par le penser ! »

Lena soupira lourdement et referma vivement son manuel de chimie. Elle le rangea à côté d’elle, à l’endroit où se trouvaient toutes ses affaires de cours. Cahiers, livres, dictionnaires et classeurs remplissaient presque tout l’espace libre de son bureau. Son plan de scolarité était scotché en face d’elle, sur le haut de sa table de travail. On pouvait remarquer que certaines dates étaient tracées : il ne restait que la date d’une fête ainsi que celle des examens de fin d’année qui n’avaient pas disparu sous de l’encre noire.

« Il me reste plus qu’à regarder un bon DVD pour me changer les idées ! »

Elle se leva et sa chaise roulante s’échappa. Mais la jeune fille n’en avait cure. Elle sortit de sa chambre pour prendre quelque chose à boire. Elle vit son père habillé pour sortir. Ce soir-là, il portait un costume noir. Sa chemise était gris foncé avec le signe de la lettre grecque Omega sur la poche de devant. Ce vêtement, Lena l’a toujours adoré. Elle adressa un sourire fatigué à son père.

« Tu as fini tes devoirs ? »

« Oui papa, à l’instant. »

« Tu veux venir boire un verre avec moi ? Ca te changera les idées ! Tu travailles beaucoup et ton cerveau finira par exploser si tu ne décompresses pas ! »

Lena se mordilla la lèvre inférieure : elle n’était pas du tout motivée pour sortir et voir du monde. Elle allait répondre défavorablement à la demande de son père mais elle se ravisa. Qui sait, peut-être qu’elle ne s’ennuiera pas et qu’ils passeront de la bonne musique ! Elle hocha la tête et retourna dans sa chambre.

« Je vais m’habiller. »

Elle était simplement vêtue d’un pantalon de sport léger et d’un tee-shirt. Elle se débarrassa de ses vêtements d’intérieur pour remettre ceux qu’elle avait utilisé la journée. Elle brossa ses longs cheveux châtain foncé et les attacha en une queue-de-cheval. Quelques minutes plus tard, la fille et le père marchaient dans la rue en direction du bar où ils avaient l’habitude de se rendre. A leur arrivée, plusieurs jeunes vinrent vers eux les saluer. Jean, le père, connaissaient beaucoup de monde et avait d’excellents contacts avec la population jeune. Malgré ses quarante et un ans, il écoutait de la techno, de la trance et parlait de tout et de rien. On pouvait plaisanter avec lui, lui envoyer des boutades du moment qu’on le faisait dans le respect. Lena avait une grande chance d’avoir un tel père. Jamais il ne l’avait privée de quoi que ce soit et depuis l’âge de seize ans, elle n’a plus eu besoin de « barrières ». Elle savait qu’elle devait être chez elle à l’heure des repas et ne pas rentrer le soir à des heures trop tardives. Jamais elle n’avait abusé de la confiance de ses parents.

De nombreux adolescents auraient refusé de sortir avec un de leurs parents. Pas Lena. Elle aimait à se retrouver avec son père et discuter histoire, politique, informatique et études. Il arrivait que les gens les regardassent bizarrement mais ils étaient alors enfermés dans leur monde et ne prêtaient pas garde à eux. Beaucoup de gens pouvaient juger Jean mais personne ne le connaissait aussi bien que Lena. Le simple fait qu’on dise du mal de son père pouvait la rendre impitoyable, méchante et violente. Son père était prêt à tout donner pour ses enfants, à se mettre dans une situation des plus difficiles pour qu’ils ne manquent de rien et soient heureux. Alors si un jour elle devait entendre de ses propres oreilles une personne le critiquer, elle n’en ferait qu’une bouchée !

Ce soir-là, l’étudiante ne cessa d’alterner Coca-Cola et thé froid. Il lui arrivait bien de boire une bière mélangée avec du sirop et de la limonade, mais elle n’en avait pas envie ce jour-là. Jean avait rejoint un groupe de jeunes dans lequel se trouvait une fille gentil d’environ le même âge que Lena. Il y avait également un ou deux garçons dans le groupe en plus de Jean. Lena, quant à elle, était assise au bar, non loin d’eux. Elle avait le regard fixé devant elle et rêvassait. Elle remarqua alors qu’un jeune s’était assis à côté d’elle et discutait avec le patron du bistrot. Ce dernier était en train de préparer un cocktail des plus spécial : il avait une brique de lait et deux bouteilles d’alcool devant lui. Il mit un tiers de lait et un tiers de chaque alcool. Intriguée, la jeune fille voulut demander à son voisin comment ce cocktail étrange se nommait. Mais sa timidité la freina. Elle se contenta donc de regarder les trois étages de liquide, qu’on pouvait bien distinguer, et elle sourit légèrement.

« Tu m’as l’air bien fatiguée, il ne faudrait pas que tombes ! »

Surprise, Lena tourna vivement la tête vers le jeune homme. Elle n’avait pas remarqué qu’il l’observait depuis quelques secondes déjà.

« Euh… Oui, je suis fatiguée… »

« La prochaine fois, tu prendras une ceinture et tu l’accrocheras au bar, comme ça, au cas où que tu t’endormirais, tu serais retenue ! »

Un petit rire échappa à la jeune fille : elle n’avait même pas eu besoin d’entamer la conversation, heureusement !

« Dis, ton cocktail, est un peu étrange, avec ce mélange… »

« Je sais, c’est à Malte que je l’ai goûté pour la première fois ! C’est super bon mais apparemment, ici, ils ne le connaissent pas. J’ai dû tout expliquer au patron comment le préparer ! »

Il lui expliqua alors de quoi il était composé et Lena l’écouta avec attention. Elle hochait de temps en temps la tête. Finalement, ils se présentèrent : il s’appelait Mickaël. Il était mécanicien dans un petit village de montagne. Lena lui apprit qu’elle était étudiante. Vu que le collège le plus connu était celui d’une petite ville non loin de celle où ils se trouvaient, il lui demanda si elle étudiait là-bas. Elle répondit que non, qu’elle étudiait dans cette ville-même. Puis elle finit par lui avouer qu’elle se trouvait dans une école privée. Intéressait, Mickaël lui posa toute sorte de questions sur comment se déroulaient ses études, quelle option elle avait choisie… La conversation se poursuivit dix minutes encore avant qu’il ne la laisse quelques instants. Instantanément, un de ses amis vint le remplacer. Il était assis à côté de Mickaël depuis quelques minutes déjà et semblait les écouter.

« Ah ! Tu es son ami je suppose… »

« Oui, je m’appelle Mick. »

Et une nouvelle conversation reprit. Il était passionné de littérature, comme elle. Ils parlèrent donc des livres qu’ils avaient lus, des auteurs qu’ils connaissaient et des œuvres qui avaient été adaptées au cinéma. Ils donnèrent leur avis sur la qualité de ces films avant que la discussion ne dévie sur un autre sujet : la musique. Mick écrivait des textes qu’il mettait ensuite en chanson. Il lui arrivait même de créer la mélodie ! Subjuguée et surprise, Lena commençait vraiment à être intéressée par ce jeune homme. Pour une fois que quelqu’un avait les mêmes centres d’intérêts qu’elle ! Elle croyait venir d’une autre galaxie et bien elle venait de rencontrer un autre habitant de son monde. Jamais elle n’avait pu parler de littérature aussi bien qu’avec lui. Malheureusement, toute bonne chose a une fin : elle devait rentrer car il se faisait tard. Mick et Lena s’échangèrent leur numéro de portable avant qu’elle ne parte.

« De toute façon, je suis presque certaine qu’on ne se reverra pas ! Ce n’était qu’un bon moment parmi tant d’autres. Sans suite. » Pensa-t-elle en marchant dans la rue, avec son père.

Arrivés à la maison, elle revêtit ses habits de nuit avant de se glisser sous ses draps. Elle prit le roman qui se trouvait sur sa table de nuit et se replongea dans l’histoire. Une heure plus tard, elle dormait profondément.

Chapitre 2 : En toute amitié :

« Il faut que j’écrive un SMS ! »

« Ben va-y, qu’est-ce que t’attends ! »

Lena pouffa de rire : elle sera toujours la même, cette Marie ! Elle s’empara de son portable et se mit à écrire fébrilement. Ses mains tremblaient un peu. Une trentaine d’étudiants et professeurs se trouvaient dans le car qui les menaient à l’autre bout du pays où on parlait encore français. Ils se trouvaient sur l’autoroute, à mi chemin, lorsqu’un flash avait assailli Lena. Mick. Elle venait subitement de penser à lui. Elle aimerait bien le revoir et boire un verre avec lui. Mais la timidité était toujours présente ! Elle avait un peu hésité avant de lui écrire un SMS. Finalement, l’envie avait triomphé sur la peur. Alors tout excitée, elle avait saisi son portable et écrit le message suivant :

« Salut ! J’ignore si tu te souviens de moi mais on s’est rencontré samedi soir ! Tu vas bien ? Je voulais savoir si c’était possible qu’on se revoie… »

Elle avait ensuite envoyé le texto et se rongeait les ongles dans l’attente d’une réponse. Et s’il l’avait oubliée ? Et s’il ne voulait pas la revoir ? Un bip sonore se fit entendre et Lena se hâta de lire le message qu’elle venait de recevoir. Elle redoutait la réponse :

« Bien sûr que je me souviens de toi ! Je vais bien et on pourrait se voir ce weekend, mais je bosse dimanche… »

Rassurée, la jeune fille sourit et laissa échappé un cri étouffé. Marie, sa voisine, lui demanda ce qui se passait. Lena lui adressa un sourire énigmatique et lui demanda d’attendre encore quelques minutes. Ses doigts pianotaient sur les touches de son téléphone portable. Elle envoya son deuxième SMS :

« Oh ! Dans ce cas, on peut se voir une autre fois si tu veux ! Il ne faudrait pas que tu sois crevé dimanche matin ! »

La jeune fille se mordillait la lèvre, espérant secrètement qu’il accepte quand même de sortir. Marie commençait sérieusement à se demander ce qui se passait ! Bientôt, elle eut sa réponse. Dès que Lena reçut le dernier message de Mick, elle avait tout expliqué à son amie. Elle lui montra même ce qu’il lui avait écrit :

« Non, non, ne t’en fais pas ! On se retrouve samedi devant le même bar ! »

Toute joyeuse, Lena ne tenait plus en place. La journée fut agréable et la visite du Palais des Nations Unies fut intéressante. Ensuite, les étudiants ainsi que les professeurs pique-niquèrent dans un village légèrement en hauteur. Il faisait froid mais cela ne fit pas fondre la bonne humeur de l’étudiante modèle. Elle n’attendait plus qu’une chose : être samedi soir. Et ce jour arriva bien vite.


« Salut ! J’espère que je ne suis pas en retard… »

« Non, j’étais en train d’écrire ! »

Lena gravit les marches qui menaient au bar. Mick était assis dessus, un cahier et un stylo en main. Un grand sac bleu roi et noir avec une inscription blanche trônait à ses côtés. La jeune fille adressa un sourire à Mick, se sentant quand même un peu gênée. La timidité était toujours présente et le simple fait de lui avoir demandé à boire un verre relevait du miracle ! A présent, ils étaient là, tous deux, prêts à entrer dans le bar. Quelques personnes vinrent saluer Mick et Lena les salua timidement. Ils allèrent ensuite s’asseoir un peu plus et commandèrent les boissons. Les deux jeunes gens discutèrent un moment.

« Dis voir, tu pourrais m’aider à trouver un refrain pour ma chanson ? J’ai l’inspiration qui flanche ! »

« Bien entendu ! Montre-moi ce que tu as écrit pour que je me fasse une idée du genre de texte que tu écris. »

Elle saisit le cahier qu’il lui tendait et lu les paroles. Elle les trouva relativement bonnes et elle les associa directement au style du rap. Ce n’était pas trop son genre mais elle se promit de faire un effort. Ensemble, ils trouvèrent un refrain. En vingt minutes, voire une demi heure grand maximum, ils avaient terminé. Puis le jeune homme fit écouter à Lena quelque unes de ses créations. Elle sourit, trouvant les paroles et la musique excellentes. Elle avait été particulièrement émue par une chanson triste qui parlait de la douleur d’avoir perdu une personne aimée. Il s’agissait d’un évènement qui avait réellement eu lieu. Bien entendu, c’était Mick qui l’avait vécu. Lena préféra ne pas le questionner. Pas encore. Après tout, ils n’étaient tout juste amis, et encore !

Ils décidèrent ensuite de se rendre dans un autre bar. Ils traversèrent une ruelle piétonne avant d’arriver dans le bar en question. Il était assez tranquille et ils s’installèrent sur la terrasse. Mick connaissait bien les serveurs et le patron de cet endroit. Cela faisait plus de dix ans qu’il le fréquentait ! Ce soir-là, Lena fit la connaissance d’un ami de Mick. Ils discutèrent un moment de tout et de rien quand elle aperçut trois personnes qu’elle connaissait très bien. Surprise, elle interpella l’une d’entre elles.

« Ey ! Jack ! Comment ça va ? »

La personne s’arrêta en plein élan, toute surprise. Lena s’était levée et s’avança vers lui en souriant. Elle était vraiment contente de le revoir, surtout que ça faisait des mois qu’ils ne s’étaient plus vus. Elle lui fit la bise ainsi qu’aux deux autres garçons.

« Et vous, vous allez bien ? »

Pierre et Louis répondirent qu’ils allaient très bien. Lena fut contente de l’entendre et elle se retourna vers Mick, resté assis.

« Je vous présente Mick. Mick, voici Jack, Pierre et Louis. »

Ils se saluèrent poliment, sans plus. Puis les trois garçons disparurent à l’intérieur du bar après avoir discuté quelques instants avec la jeune fille. Lena alla se rasseoir en face de Mick. Il lui demanda de qui il s’agissait.

« Je te présente mon ex et deux amis. »

Elle lui adressa un sourire, comme si elle venait de faire une bonne blague. L’ami de Mick pouffa de rire. Mick eut un sourire pas très assuré.

« Ca faisait des mois que je ne les avais pas revu ! On était toujours ensemble, il y a quelques temps en arrière… »

Un petit air nostalgique se peignit sir son visage. Puis un petit soupir lui échappa et elle se reprit. Les deux jeunes gens continuèrent à discuter un moment avant de quitter le bar. Ils se dirigèrent vers l’église et ils s’assirent sur les marches de celle-ci. Soudain, Lena déclara :

« J’aimerais que tu viennes à mon anniversaire. C’est dans deux semaines… Je trouve que tu es quelqu’un de bien et… Je voudrais que tu sois là pour mes dix-huit ans. »

Mick semblait quelque peu surpris. Il accepta de venir, espérant ne pas travailler le lendemain. Mais il était prêt à arriver en retard à son travail pour assister à la fête ! Lena en fut touchée et elle fut un peu gênée. La cloche retentit bientôt. Il était déjà vingt-trois heures trente !

« Tes parents ne vont pas s’inquiéter ? Il est vingt-trois heures trente et tu travailles demain… »

« Oh ! Tu es trop chou ! Ne t’en fais pas, ils ne s’inquiètent pas. Je pourrais partir une semaine qu’ils ne le remarqueraient même pas ! »

Lena fut un peu choquée de ce genre d’attitude. C’était à l’inverse de son éducation ! Elle afficha un air incrédule et se contenta d’acquiescer. Elle préférait ne pas s’aventurer sur ce terrain épineux.

Bientôt, ils décidèrent de rentrer. Mick raccompagna Lena devant chez elle où il la laissa quelques minutes plus tard. Ils convirent qu’ils se reverraient le weekend suivant. La jeune fille fut toute contente et c’est le cœur léger qu’elle rentra chez elle.

(Suite pour bientôt. Pour info, ceci est une histoire vraie et je suppose que vous pouvez trouver le véritable nom des personnages. Je l'ai juste changé par respect, au cas où...)

Je retrouve ton don d'écrivain. Sa faisait longtemps que je l'avais pas vu. Sa fait longtemps que je ne le voyait plus. Je crois reconnaitre l'histoire. C'est très bien fait. J'adore!